La lettre d’intention est la première étape juridique conduisant vers la conclusion d’accords de cession. Ce document de quelques pages est rédigé par le candidat acquéreur et son conseil, et adressé au cédant après quelques échanges préalables. Elle révèle les intentions du candidat acquéreur, détermine un prix de cession et propose un cadre de négociations.
Elle est émise après que le candidat se soit fait une idée assez claire mais générale de l'entreprise et de l'intérêt qu'elle présente, et avant de mobiliser son temps et des ressources financières (conseils, experts, avocats) pour une analyse approfondie.
Dans le cadre d’un processus de vente organisé, le candidat acquéreur a eu des échanges préliminaires avec le conseil en cession et dispose d’un mémorandum d’information (après signature d’un accord de confidentialité) avant de formuler une offre indicative.
Quel intérêt pour le cédant ?
Si la lettre d’intention est facultative, elle est néanmoins quasi-systématique dans les processus de transmission d’entreprise.
Pour le cédant, la lettre d’intention agit comme un filtre pour :
s’assurer du sérieux des candidats acquéreurs (projet, capacité d’investissement, financement, ...)
s’assurer de leur volonté pour mener des pourparlers de bonne foi
définir un cadre juridique avant de divulguer des informations sensibles nécessaires à la conduite des audits et à la négociation du protocole d’accord
Contenu de l’offre indicative
La nature et le niveau de détail des termes de l’offre dépend du cas d’espèce et du niveau d’information dont dispose le candidat acquéreur pour se positionner. Néanmoins, une lettre d’intention couvre :
Actifs concernés par la transaction
Prix de cession, fourchette de prix et/ou proposition d’une méthode de détermination du prix
Modalités de paiement
Cette offre indicative fait le plus souvent état de conditions telles que :
L’obtention d’un financement
Des audits d’acquisition satisfaisants
La rencontre d’hommes clés
Des garanties à définir (garantie d’actif et de passif, clause de non-concurrence)
Caractère engageant (ou non) de l’offre
L’acquéreur stipule généralement le caractère engageant (« binding offer ») ou non engageant (« non-binding offer ») de sa proposition à la fin du document.
La lettre d’intention est le plus souvent non engageante. L’avocat de l’acquéreur, par sécurité juridique pour son client, précise que le document se limite à définir les conditions sur la base desquelles il serait susceptible d’engager des pourparlers avec le vendeur.
NOTE
Lorsque la lettre d’intention précise les conditions et les modalités essentielles de l’opération (la chose vendue, le prix), celle-ci peut engager la partie qui y a souscrit comme l’estima un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 8 avril 2014 (n°13/03008) ayant considéré qu’une lettre d’intention comportait un engagement non équivoque de réaliser l’opération dans la mesure où cette lettre ne contenait « aucune réserve ni condition et traduit l’accord intervenu entre les parties sur les modalités essentielles de l’opération » et qu’elle était donc en définitive binding, et ce quel que soit l’intitulé que les parties avaient pu donner à l’acte.
Calendrier des négociations
Un calendrier prévisionnel est généralement proposé, définissant le plus souvent :
Clause d’exclusivité
Une période d’exclusivité des négociations est le plus souvent exigée par les candidats acquéreurs, avant que ceux-ci ne mobilisent du temps et de l’argent (conseils en fusions-acquisitions, audits d’acquisition, avocats d’affaires) pour mener le projet à son terme.
Pratiques de marché :
Une période de 90 jours (extensible par avenant) est le plus souvent consentie lorsque le vendeur a préalablement pris le temps d’organiser l’information dans une data room (article détaillé : " Data room : un outil au service des transmissions d’entreprise")
Il est possible d’exiger la réciprocité de l’exclusivité, empêchant le candidat acquéreur de discuter simultanément avec plusieurs cibles
Répartition des frais engagés
Les frais liés aux audits d’acquisition sont le plus souvent à la charge de l’acquéreur. Néanmoins, dans certains cas (notamment sur des projets faisant appel à des fonds de capital-investissement), les frais d’audits peuvent être partagés. Le coût des audits d’acquisition dépend de la qualité de l’information produite par le management et son conseil, et sera moindre si le cédant a procédé au préalable à la mise en place d’une dataroom et/ou réalisé une due diligences vendeur (article détaillé : "Data room : un outil au service des transmissions d’entreprise").
Engagement de confidentialité
La contre-signature d’une lettre d’intention par le cédant est le plus souvent assortie d’une clause de confidentialité, comprenant par exemple :
Non divulgation des informations obtenues auprès de tiers autres que les conseils mandatés pour l’opération, eux-mêmes liés par une clause de confidentialité ;
Non exploitation des informations délivrées, dans le cas où les négociations n’aboutiraient pas ;
Non débauchage des hommes clés rencontrés au cours des pourparlers
Exigence de bonne foi
La lettre d’intention n’entraîne pas l’obligation de conclure, mais implique l’engagement de négocier de bonne foi. L’ordonnance n°2016-131 du 16 février 2016 portant sur la réforme du droit des contrat consacre une obligation légale de bonne foi et de loyauté dans la conduite des négociations. Cette obligation n’a pas besoin d’être stipulée explicitement dans le contrat pour s’appliquer.
AVERTISSEMENTS :
Une rupture des pourparlers est, si elle est jugée brutale, porteuse d’une éventuelle responsabilité délictuelle pour son auteur qui peut se voir demander d’indemniser les frais (déplacements, expertises, etc.) engagés par l’autre partie (article détaillé : "Comment se protéger des abus de droit au cours des pourparlers ?").
En cas de manquement à la communication d’informations déterminantes pour une décision d’investissement, le cédant engage sa responsabilité délictuelle, pouvant entraîner l’annulation du contrat.