Transmettre son entreprise à ses enfants n’est pas synonyme de facilité ou de tranquillité. Certains moments ont été très conflictuels, notamment le moment de choisir qui, parmi les enfants qui m’avaient rejoint dans la société, serait le plus apte à en prendre la direction. Avec l’un de mes fils cela a été très compliqué - Pierre Berthe, cédant de Proplast.
Une transmission familiale, offre le choix d’une transmission par vente (voir article sur optimiser son produit de cession) ou / et par donation (voir article sur le pacte Dutreil).
La préparation psychologique comprend l’audit de l’entourage afin de déterminer si un héritier souhaite reprendre l’entreprise et s’il en a les compétences.
Conflits familiaux : quels sont-ils ? Comment les éviter ?
Transmettre ou monétiser tout ou partie de son capital
Conflits :
Conflit quant au choix entre donation et vente des titres de l’entreprise familiale : la donation n’est envisageable que si le cédant dispose déjà de l’argent nécessaire pour financer ses projets post-cession. Autrement, afin d’assurer un train de vie, la vente a minima d’une partie des titres est incontournable.
Les conflits émanent aussi des tensions sur la valorisation des parts données ou vendues à son enfant :
Un prix plus élevé a l’impact de nécessiter un financement plus important de l’héritier repreneur.
Contre une perte de valeur indirecte pour les héritiers non repreneurs en cas de prix au rabais.
Outre le prix, les modalités du paiement sont également potentiellement source de conflits ; entre délais de paiement ou paiement immédiat notamment.
Pour le premier (délais de paiement important), les risques d’insolvabilité pèsent sur le cédant, créancier (ce qui signifie qu’en cas de baisse d’activité, des conflits pourront éclater entre les héritiers, craignant de perdre leur part du prix, et l’héritier repreneur).
Pour le second (paiement immédiat), les fonds doivent être immédiatement disponibles pour régler l’achat des titres ce qui suggère un endettement et/ou une participation d’un partenaire financier, et donc une pression accrue sur l’héritier repreneur.
Solutions :
Crucial de céder tout ou partie des parts à un prix de marché, si d’autres héritiers ne reprennent pas l’entreprise.
Possibilité de ne monétiser qu’une partie de l’entreprise, et de donner l’autre partie, notamment dans le cadre d’une donation Dutreil (voir article pacte Dutreil).
Juste évaluation de la valeur de l’entreprise, par un tiers indépendant. Évaluation de votre entreprise par le biais d’un certificat d’équité qui confère certaines garanties essentielles à évite tout conflit familial relatif à la valorisation de l’entreprise.
Assurer l'égalité de traitement entre ses enfants
Conflit :
Le choix d’un repreneur peut générer des conflits : en cas de concurrence entre héritiers pour reprendre l’entreprise, la sélection du ou des repreneurs peut devenir hautement complexe. La situation peut générer des conflits entre héritiers concurrents et entre parents et enfants.
Solution :
Éviter des conflits et des blessures profondes à préférable d’encadrer la concurrence qui se tient entre les candidats repreneurs, d’établir des critères transparents de sélection à l’entrée du processus avec une période de réflexion suffisamment longue.
Stipuler une soulte à l’acte de donation, c’est-à-dire une reconnaissance de dette par l’héritier repreneur envers ses frères et sœurs non repreneurs pour assurer une égalité dans la succession.
Régler tout ou partie de la soulte rapidement après la donation
Exemple
Prenons l’exemple de Madame X, PDG et actionnaire unique de sa société PME SAS. Elle souhaite vendre et profiter du reste de sa vie avec ses proches. Elle estime ses besoins à 1 million d’euros nets d’impôts outre ses revenus à venir. Elle choisit donc de vendre pour 1 340 000 euros d’actions (évaluées par un expert indépendant) à son fils repreneur qui les lui rachète.
Dans la foulée, elle se place sous le régime du réputé acquis du pacte Dutreil puisqu’elle apporte la preuve qu’elle en détient les titres de sa société depuis plus de deux ans, et qu’elle y occupe une fonction de direction depuis plus de deux ans. Elle peut donc faire donation en pleine propriété à son fils repreneur de ses actions. Le fils repreneur ayant une sœur, une soulte est stipulée à l’acte de donation en sa faveur pour la valeur de la moitié des actions cédées. Ainsi, il obtient la totalité des actions de sa mère, à charge pour lui de reverser la moitié de la valeur de ces actions à sa sœur, et prend un engagement individuel de conservation des titres ainsi qu’une fonction de direction qu’il devra conserver pendant trois ans au moins.
Dispersion du capital
Conflit : La multiplication des membres de la famille avec l’effet des générations conduit au risque de la dispersion du capital et de divergences de vision pour l’avenir de l’entreprise.
De plus, le choix d’un repreneur familial en devient d’autant plus complexe et potentiellement générateur de conflits entre branches familiales.
Solutions :
Création d’une société holding regroupant les membres de la famille : isolation des disputes familiales dans les assemblées de la Holding.
Concentration du capital sur l’enfant qui prend les rênes de l’entreprise : la dispersion du capital est freinée.
Coût d’une transmission familiale
Les coûts qu’occasionne une transmission sont de divers ordres.
Coûts de préparation de la transmission et de sa mise en œuvre (audits vendeurs ou VDD, certificat d’équité, avocats, conseils).
Coûts indirects (temps passé, impacts de ce temps passé, intensité du processus).
Coûts fiscaux et sociaux (sur vente, sur apport et sur donation).
Ces coûts sont à mesurer par rapport au gain qui leur est associé : un expert fiscal et un conseil en fusions-acquisitions de qualité permettront de structurer au mieux l’opération, de réduire les frottements fiscaux et de maximiser le prix et la qualité de la reprise en ciblant le bon acquéreur.
La part transmise à titre gratuit
La donation permet de ne pas charger la barque en l’absence de possibilité d’apport personnel consistant des enfants. Les donations donnent cependant lieu à une fiscalité importante.
Solution : la donation sous pacte Dutreil (voir article pacte Dutreil)
La part transmise à titre onéreux
La cession d’une entreprise est fiscalisée par principe au prélèvement forfaitaire unique (30% prélèvements sociaux compris). Il est néanmoins possible d’optimiser la fiscalité du produit de cession (voir article optimisation du produit de cession).
Quels investisseurs pour accompagner une transmission familiale ?
La dette pour financer ce type de transmission peut être très importante, et il est possible selon la capacité de l’entreprise à générer de la trésorerie que cette dernière ne puisse supporter un endettement trop fort. Il est alors nécessaire d’identifier un partenaire financier qui investira au capital de l’entreprise avec le repreneur, ce qui le diluera au capital de la société.
Les fonds de Private Equity
Il existe en France plus de 300 fonds de private-equity investissant en majoritaire ou en minoritaire aux cotés de managers de l’entreprise. Les fonds d’investissement se positionnent parfois sur des opérations de capital-transmission, si l’entreprise est bien implantée, dans un secteur en croissance, avec une génération de trésorerie considérée comme étant suffisante. Leur horizon d’investissement, au terme duquel ces fonds cèdent l’intégralité de leurs participations est généralement de quatre à cinq ans compte tenu de leurs engagements envers leurs investisseurs.
Outre la durée de l’investissement, certains fonds sont plus impliqués dans le suivi de la gestion que d’autres.
Certains fonds challengent plus le management sur leurs choix stratégiques et de gestion / sur la stratégie à compenser un manque d’expérience potentiel du repreneur.
Certains sont plus effacés et se tiennent en retrait des décisions de gestion. Une absence d’immixtion dans la stratégie de l’entreprise peut relever d’une liberté jugée essentielle par le repreneur. Lorsque certains fonds demandent des reportings fréquents, d’autres se montrent plus distants.
Chaque formule a ses avantages puisque le fait de challenger le management peut le mener à remettre en question des stratégies, bénéficier de capital humain supplémentaire dans l’élaboration des décisions stratégiques… Le repreneur doit alors déterminer s’il recherche un apport en capital humain en plus d’un apport en capital.
Avantages :
Indépendance de l’entreprise, continuant à évoluer avec la même organisation.
Capacité du fonds à accompagner et financer des opérations de croissance externe suivant la stratégie établie.
Capacité à challenger le management, suivant la typologie de l’investisseur (« laissez-faire » vs. « Accompagnement »).
Les Family Offices
A l’inverse des fonds de private-equity, les family offices peuvent avoir des horizons d’investissement à plus long terme. Le choix du partenaire financier dépendra donc des attentes du repreneur, et des caractéristiques de l’entreprise.
Avantages :
Indépendance de l’entreprise, continuant à évoluer avec la même organisation
Capacité du fonds à accompagner et financer des opérations de croissance externe suivant la stratégie établie
Capacité à challenger le management, suivant la typologie de l’investisseur (« laisser-faire » vs. « Accompagnement »)
Visibilité à plus long terme sur l’évolution de l’actionnariat
Les industriels
Avantages :
Tendance à valoriser la cible de façon favorable au cédant
Capacité de l’industriel à accompagner et financer des opérations de croissance interne suivant la stratégie établie
Capacité à challenger le management
Comment s’entourer pour organiser une transmission familiale ?
Une transmission familiale d’entreprise ne s’improvise pas. Les questions relatives à la cession d’entreprise sont techniques et nécessitent souvent l’intervention de professionnels spécialistes de la question plus que de généralistes. Des témoignages de membres de l’AFITE attestent du fait que la plupart des sinistres déclarés auprès des assureurs à propos d’opérations de transmission d’entreprise émanent de dossiers pris en charge par des cabinets d’experts-comptables.
Il est donc recommandé de se rapprocher de :
Conseil fusions-acquisitions éventuel pour trouver un fonds de capital-transmission ou un partenaire industriel
Conseils spécialisés en audit et valorisation d’entreprises (Transaction Services ou TS)
Avocat-Conseil fiscaliste et acquisitions d’entreprises (private-equity)
Le rôle central du conseil en fusions-acquisitions :
Pas d’opération possible sans ingénierie financière ni sources de financement identifiées
Identification des fonds
Négociation auprès des fonds
Négociation auprès des banques
(Article détaillé : "7 critères pour bien choisir sa banque d’affaires")
Le cabinet TS
Dès lors que le cédant envisage de faire appel à des fonds, il est d’usage de réaliser un audit et une analyse financière de la société à transmettre (article détaillé : "Produire une information fiable et étayée : la VDD").
Le rôle de l’avocat fiscaliste
Le rôle de l’avocat est de structurer l’opération compte tenu de sa substance, de la façon la plus fiscalement efficace. Il intervient en amont de la transaction ainsi que pendant la transaction de façon à prescrire une stratégie d’ensemble concernant les problématiques de fiscalité personnelle patrimoniale et de fiscalité professionnelle.
En somme, les enjeux de transmission d’entreprises sont nombreux et il est nécessaire de se former et de se faire accompagner pour que la cession se passe au mieux sur le plan personnel, familial, et pour l’entreprise.