Sébastien Blochet, expert du logiciel SAP, décide de créer en 2007 Cinéthic, entreprise de services employant 32 personnes pour près de 3 M€ de chiffre d’affaires. En 2016 il décide de céder son entreprise pour se concentrer sur de nouvelles activités.
Quels furent les éléments déclencheurs de l’opération ?
A partir de 2012 il y a eu un changement de stratégie de la part du marché et de SAP. Nous sommes passés d’un acte d’achat à un service d’abonnement. Nous avons donc évolué pour passer d’interventions à la journée à des interventions plus courtes mais avec des taux de facturation supérieurs. J’ai par ailleurs essayé de rentrer dans le cercle des partenaires de SAP, sans succès. J’étais un technicien plus qu’un commercial.
J’ai également ressenti l’envie de repartir sur de nouveaux projets, après avoir fait le tour de mon marché et du produit depuis 2001.
Avez-vous ressenti le besoin de vous faire accompagner ?
J’ai créé l’entreprise seul, je pensais pouvoir la céder seul, mais ce fut ma plus grande erreur.
J’ai dû m’y prendre à deux fois pour céder l’entreprise. La seconde fois, je me suis fait accompagner.
Au début je ne voyais pas comment m’entourer. Ce n’était pas faute d’avoir été approché par des conseils qui souhaitaient m’accompagner, mais je ne voyais pas leur valeur ajoutée et ne comprenais pas leurs méthodes. Je voyais surtout ces conseils comme un coût. Mais au final ces mêmes conseils vous font gagner de l’argent.
Durant les négociations, un rapport de force se crée.
J’avais en face de moi un directeur financier, deux contrôleurs de gestion ainsi que deux dirigeants. J’étais seul face à 5 personnes. J’étais autour de la table dans un rapport de force défavorable.
Parfois je doutais, parfois je m’énervais, la pression était forte. Je devais également faire face à un flux important de questions au fil des pourparlers.
Avez-vous pu vous appuyer sur vos équipes pendant l’opération ?
Je n’étais pas structuré pour m’appuyer sur mes salariés. C’est cependant quelque chose que j’ai depuis corrigé dans mon style managérial dans ma nouvelle vie, en responsabilisant plus mes équipes.
Comment s’est déroulée la période de transition ?
Je n’ai pas été assez préparé sur l’après-vente.
J’avais à la demande de l’acquéreur une période de transition de trois mois, mais j’étais mis au placard dès le début. J’assistais avec incompréhension à une série de mauvaises décisions, en dépit de mes mises en garde. J’étais inaudible. J’ai finalement compris que la finalité de cette opération était de taire un concurrent. Des démissions sont survenues et mon repreneur a essayé de me faire supporter ces événements en remettant en cause mon engagement à les accompagner.
Comment avez-vous vécu la cession de votre entreprise ?
Il faut faire une croix sur ce que l’on a créé. Le choc des cultures entre la personne qui vous rachète et vous sera toujours trop important à vos yeux.
J’étais très attaché à mon entreprise, et convaincu comme beaucoup qu’une entreprise, soit vous la vendez à quelqu’un qui a la même vision que vous, soit vous ne la vendez pas. Avec le recul, je pense que c’est illusoire.
J’ai à certains égards vécu la cession de mon entreprise comme un échec. Pas seulement en raison de mes relations avec le repreneur, mais aussi parce que j’ai vendu par manque de choix, j’étais lacé de mes rapports avec SAP et doutais de l’avenir. J’avais besoin de nouvelles aventures.
J’ai ressenti une grande solitude après la cession. Je suis passé, à l’âge de 40 ans, d’une trentaine de salariés à plus rien. Je ne savais plus quoi faire, je n’avais plus rien à gérer. Je ressentais un vide, c’était bizarre. Il aurait probablement fallu un coach pour m’accompagner dans l’après. Quelques temps plus tard j’ai effectué un stage de développement personnel qui m’a beaucoup aidé. Depuis j’ai recrée une entreprise.