Nadine Michaux, alors jeune maman, décide en 1997 de créer le groupe Secret de Polichinelle (SDP) dédié à la création de faireparts de naissance. En 2012, après avoir reçu plusieurs propositions de rachat, elle décide de transmettre son entreprise et espère par la même occasion lui offrir les moyens de poursuivre son développement.
Elle se confie à nous aujourd’hui et nous donne ses conseils pour appréhender au mieux la cession d’entreprise.
Quel fut l’élément déclencheur de votre transmission et comment vous y êtes-vous prise ?
La cession est une chose que je n’avais pas anticipée. Je n’ai jamais eu pour ambition de créer mon entreprise pour la revendre, mais plutôt d’en vivre. Cependant, lorsque trois acquéreurs potentiels viennent à ma rencontre en 2012, je commence à y réfléchir.
Très rapidement on commence à me parler dans un jargon que je ne comprenais pas, j’ai vite ressenti le besoin de me faire accompagner.
Il existe une telle technicité et complexité liée aux transmissions qu’il m’a semblé primordial de me faire épauler. On m’a très rapidement parlé d’OC, d’earn-out, de crédit vendeur, d’échange de titres, etc. Plus on commence tôt à s’intéresser à cette question et à s’entourer des bonnes personnes, plus on est en position de force pour négocier. Mais cela nécessite de s’entourer très tôt...
J’ai choisi une banque d’affaires qui m’a été recommandée par une personne de mon réseau. Puis j’ai rapidement pris conscience que je n’avais pas les avocats qu’il fallait, c’est-à-dire spécialisés pour ce type d’opération. C’est la banque d’affaires qui m’a proposé un cabinet adapté.
Quel a été votre investissement dans ce projet ?
Une cession, c’est un marathon. Ce marathon a duré 14 mois, avec un investissement en temps considérable. 14 mois durant lesquels il faut être en capacité de retrouver une quantité de documents qui sont ensuite retravaillés par les conseils et que vous devez valider, c’est très prenant. Dans une petite entreprise on se sent souvent seul, car on est l’unique interlocuteur apte à fournir l’ensemble des éléments nécessaires. Il est difficile de tenir la cadence et pourtant il est très important de continuer à faire tourner la boutique. Les banquiers vous expliquent qu'il ne faut jamais lever le pied tant que le contrat de cession n’est pas signé. En effet, rien n’est acquis. Jusqu’au dernier instant tout peut arriver. Heureusement, je n’avais pas prévu de refonte du site ou d’autres grands chantiers durant cette période. Il aurait été impossible de tout mener de front.
Je me souviens de soirées, de week-ends passés avec banquiers d’affaires et avocats, c’est un monde où le temps ne s’arrête pas. Les réunions s’enchainent, c’est chronophage et il faut apprendre vite.
Il faut apprendre très vite lorsque l’on est à sa première opération. On se retrouve face à des documents complexes de plusieurs centaines de pages dont il faut maîtriser le langage pour rester maître du jeu. Il est important d’avoir une équipe formée, compétente et autonome pour pouvoir prendre le relai. Vous êtes toujours là en supervision mais ce n’est pas à ce moment-là que vous allez vous lancer à corps perdu dans le lancement d’un nouveau projet ou d’une restructuration. Il faut prioriser certains aspects de l’activité.
Quel était votre état d’esprit durant cette période ?
J’ai mis beaucoup d’affect dans cette opération. Trop d’affect. Il est difficile de se détacher des intérêts de l’entreprise qu’on a vu naître et grandir pour privilégier ses intérêts personnels. Il faut bien comprendre que lorsque l’on transmet, l’entreprise va vivre un projet qui n’est plus le sien, quand bien même le repreneur vous demande d’assurer la transition.
Par affect pour l’entreprise, je me suis attachée à des considérations qui avec du recul étaient accessoires alors qu’on fait une opération financière.
La cession était à la fois motivée par des aspects financiers et à un projet de reprise extrêmement prometteur pour notre entreprise. Le repreneur bénéficiait du meilleur réseau pour atteindre les jeunes mamans. Sur le papier, l’idée était parfaite et faisait très peur à mes concurrents.
Voulez-vous dire que votre attachement à l’entreprise a impacté votre négociation ?
J’ai signé sur des termes que je n’aurais pas accepté avec le recul dont je dispose maintenant. J’ai privilégié un projet à mes intérêts, et l’acquéreur a su structurer l’offre à son avantage : une partie en cash, en échange de titres, en earn-out, en crédit vendeur et en management package car ils souhaitaient me garder trois ans à mon poste en tant que directrice générale.
Je n’ai cependant eu que des promesses non tenues, ces dernières n’engageant que ceux qui y croient.
Seule la partie cash versée au jour du closing peut être considérée comme acquise, le reste, vous ne savez pas.
Une fois rachetée, notre petite société s’est trouvée intégrée dans un groupe de plus de 1000 salariés qui ne partageait pas du tout la même culture et n’était pas au même stade de développement, sur le digital notamment. Il a été extrêmement difficile de s’intégrer dans cette organisation. Nous avions des opportunités inespérées pour nous développer fortement grâce aux synergies de réseau, il n’en a rien été. Je me sentais bloquée. Je voulais donc renégocier le schéma dans lequel j’étais financièrement engagée et quitter la structure, cela aurait été beaucoup plus sain pour moi et pour eux. Cependant, l’accord sur lequel nous sommes arrivés est devenu caduc lorsque le groupe, très endetté, s’est vu nommer un mandataire judiciaire. J’étais alors créancière du groupe.
Quitter l’entreprise dès la cession, tel serait votre moto ?
Je pense qu’une cession d’entreprise doit se préparer psychologiquement. Cette entreprise est comme mon troisième enfant. Une fois que l’entreprise est vendue, il ne faut pas penser qu’on va pouvoir continuer, c’est un tout nouveau projet qui va démarrer.
Il faut savoir tourner la page, se dire que ce n’est plus à soi, vraiment.
C’est un moment très difficile, un cap à passer. Beaucoup font des burnouts. Durant la période de transition j’ai très mal vécu de voir le cap que prenait « mon » entreprise sans que je puisse changer la donne. Il faut s’écarter le plus vite possible de l’entreprise une fois que la cession a pris effet. Il faut se projeter au-delà de la période de transition.
Et pourtant, vous avez racheté votre entreprise deux ans plus tard...
Voulant me séparer du groupe, j’avais commencé à négocier ma sortie. L’accord trouvé est devenu caduc le mois suivant lorsque le groupe PRIMAVISTA a fait l’objet d’une procédure collective. Les plans proposés pour le redressement et l’étalement des dettes n’étant à mes yeux pas réaliste, j’ai décidé de racheter Secret de Polichinelle pour ne pas être témoin de sa disparition. J’ai donc eu trois mois pour réunir des fonds et motiver l’équipe pour poursuivre l’aventure avec moi. Je n’aurais rien pu faire sans eux.
CONSEILS CLÉS
Se sensibiliser aux enjeux financiers, juridiques et fiscaux le plus en amont possible
Ménager son temps
Garder la main sur la négociation des termes de la cession
Négocier un prix fixe ou obtenir de solides garanties sur d'autres modes de compensation
Lâcher prise dès que possible post-transmission