Ceux qui s’intéressent à l’évaluation d’entreprise constatent que les approches dites comparatives sont certainement les plus utilisées. Ainsi la méthode des multiples fait figure de référence, notamment car elle est simple dans son principe. Il est toutefois indispensable d’en comprendre les fondements et de savoir la mettre en œuvre correctement.
Valorisation par la méthode des multiples d'une entreprise : une simple règle de trois
De la même manière que la valeur d’un logement peut être estimée par un prix de marché du m² et sa surface totale, certains critères de comparaisons économiques servent à évaluer des entreprises.
Pour estimer la valeur d’une entreprise donnée, on peut la comparer avec d’autres entités dont le prix de cession est connu.
Valeur d'Entreprise = Agrégat financier de l'entreprise x Multiple de marché
Il faut alors avoir à l’esprit, pour un travail cohérent, deux éléments :
Rappelons que l’évaluation d’entreprise se base schématiquement sur la capacité à générer dans le temps une capacité bénéficiaire par soi-même. L’objet de la méthode des multiples est de comparer cette capacité à celle d’autres entreprises aux profils les plus proches possibles. On mettra donc ici de côté toute considération « stratégique », voire « affective » …
Exemple
La société ALPHA a un EBE (Excédent Brut d'Exploitation) de 1 M€
Le multiple médian constaté pour des cession d'entreprises similaires est de 6x EBE, c'est à dire que pour des sociétés semblables, le ratio entre la Valeur d'Entreprise et leur EBE est de 6x
Appliqué à notre société, la Valeur d'Entreprise de ALPHA est de 6 x 1M€ = 6 M€
La Valeur des Titres de la société est ensuite obtenue en tenant compte de la trésorerie et des dettes financières d'entreprise. Si la société présente une trésorerie de 1,5 M€ et de dettes financières de 2 M€, alors Valeur des Titres (VT) = 6 M€ + 1,5 M€ - 2 M€ = 5,5 M€.
Quels type de multiples de valorisation d'une entreprise utiliser ?
Il existe plusieurs types de ratios possibles pour évaluer une entreprise, suivant l'agrégat financier le plus pertinent pour étudier une entreprise donnée. Dans la plupart des cas, quatre soldes intermédiaires de gestion sont utilisés. On entend souvent parler de multiples de chiffre d’affaires, de multiples d’EBITDA (EBE), de multiple d'EBIT (REX), … Il faut bien comprendre ce qu’ils représentent économiquement.
Le multiple de chiffre d'affaires
Le multiple de chiffre d’affaires est relativement simple à mettre en œuvre. On comprendra que l’on compare deux structures en fonction de leur volume d’activité. C’est un indicateur de taille qui a sa cohérence mais aussi ses limites. Une société peut faire beaucoup de ventes, avoir une position significative sur un marché, sans toutefois être performante dans sa gestion. Sa rentabilité peut être plus faible que d’autres, voire nulle. On perdrait une grande quantité d’informations et donc de pertinence en s’arrêtant donc uniquement à ce critère.
Le multiple d'EBE
C'est le principal multiple employé, dans 90% des cas pour les PME.
Le multiple de résultat brut d’exploitation (EBE, aussi appelé EBITDA en anglais) va apporter d’autres éclaircissements sur le potentiel de valeur d’une société. Ce solde correspond par simplification à la différence entre les ventes facturées et les achats externes et les frais de personnel. Il n’est pas tenu compte ici du remplacement du capital productif immobilisé, ni des frais d’intérêt, ni de l’impôt. On compare ainsi la performance des sociétés sans tenir compte de leur structure capitalistique, c’est-à-dire si leur fonctionnement nécessite de beaucoup investir ou pas. On peut obtenir la même valeur pour deux entreprises alors que l’une doit par ailleurs dépenser beaucoup plus en bien d’équipements, licences, brevets, etc, …
Le multiple du Résultat d'Exploitation
Le résultat d’exploitation (REX ou EBIT) se calcule à partir du précédent EBE en lui retranchant les amortissements et provisions, soit l’amortissement annuel du capital immobilisé (son « remplacement théorique ») et des mises en réserves non fiscalisées (en général peu significatives). La comparaison entre les sociétés sur ce critère prend donc cette fois en compte la structure capitalistique (passée !). Elle est souvent plus pertinente à utiliser dans l’industrie.
Le multiple de Résultat Net (PER)
Le résultat net (RN) est le profit dégagé après paiement des frais financiers et de l’impôt. Il intègre donc le coût du crédit et le taux d’imposition (variable notamment selon les pays). Le multiple d’évaluation qui en découle est le plus connu car très utilisé par les boursiers : c’est le fameux « PER », acronyme de « Price Earning Ratio ».
Comment déterminer le bon multiple de valorisation ?
Pour déterminer le multiple de valorisation applicable, il faut :
Identifier des sociétés comparables ayant fait l'objet d'une cession
Étudier les prix de cession de ces sociétés
Déduire pour chacune d'elle, son ratio de valorisation (ex : Valeur d'Entreprise / EBE)
Retenir le ratio médian
Identifier des sociétés comparables pose un premier challenge car chaque entreprise est unique. Elle exerce une activité dans un secteur économique, elle apporte une compétence (service ou fabrication) particulière, dans une zone géographique définie, avec une organisation propre, un personnel particulier et un dirigeant qui prend ses décisions. Une comparaison avec un pair sera donc imparfaite, on recherchera en fait un maximum de points communs. Il est donc prioritaire d’étudier son entreprise et celles que l’on veut lui comparer. On regardera donc, au-delà du terme trop général de « secteur économique », leurs métiers, leurs positionnements (grossiste, détaillant, fabricant, prestataire de services, …).
Il faut ensuite que le prix de vente des sociétés étudiées soit connu. Si les sociétés cotées ont une valorisation déterminée quotidiennement en bourse, la grande majorité des entreprises ne voient pas le moindre échange de leurs actions pendant des années.
La date à laquelle la transaction a eu lieu est également importante. Une entreprise évolue régulièrement, ses performances financières varient d’une année sur l’autre en fonction de son action propre et de la conjoncture économique du moment. Il peut être hasardeux de prendre pour référence une opération vieille de plusieurs années si le contexte économique, financier ou technologique a fortement évolué.
On devra faire des choix parmi les données disponibles avec toujours la même volonté de cohérence.
La mise en oeuvre pratique des multiples de valorisation
Il s’agit à présent de calculer les multiples de valorisation des sociétés étudiées, puis de les appliquer à une société donnée.
Exemple
Une société BETA a fait l'objet d'une cession pour 2 400 000 € (Valeur d'Entreprise de 2 680 000 € avant déduction de 280 000 € de dette financière nette).
Cette société BETA présentait les comptes suivants :
Un chiffre d’affaires de 7 200 000 €,
Un EBE de 750 000 €,
Un REX de 630 000 €,
Un RN de 400 000 €,
Les multiples valorisation sont donc de :
Multiple de chiffre d’affaires : VE / CA = 2 680 000 / 7 200 000 = 0,37 fois,
Multiple d’EBE : VE / EBE = 2 680 000 / 750 000 = 3,6 fois,
Multiple de REX : VE / REX = 2 680 000 / 630 000 = 4,3 fois,
PER : Fonds propres / RN = 2 400 000 / 400 000 = 6,7 fois,
Ces multiples peuvent être appliqués à la société similaire dont on veut déterminer la valeur d'entreprise.
La société DELTA, que l'on souhaite valoriser, présente les comptes suivants :
Un chiffre d’affaires de 9 400 000 €,
Un EBE de 720 000 €,
Un REX de 510 000 €,
Un RN de 300 000 €,
En appliquant les multiples, la Valeur d'Entreprise de DELTA est de :
0,37 x CA de 9 400 000 = 3 478 000 €
3,6 x EBE de 840 000 = 3 024 000 €
4,3 x REX de 510 000 = 2 193 000€
6,7 x RN de 300 000 = 2 010 000 €
Le multiple d'EBE étant par nature le multiple de référence pour une industrie traditionnelle comme celle de DELTA, la valeur d'entreprise retenue est de 3 024 000 €.