Qu'est-ce qu'un abus de droit au cours des pourparlers ?
Les pourparlers, ou négociations précontractuelles, désignent l’ensemble des échanges écrits ou oraux qui interviennent entre les parties avant la conclusion d’un contrat. Dans le droit, cette période n’est encadrée par aucun régime juridique, et répond donc à un principe de liberté : les parties sont libres de rompre les pourparlers aussi naturellement qu’elles sont libres d’engager des négociations.
Cependant, ce principe est tout de même modéré par l’exigence de bonne foi, encadrée par l’article 1104 du code civil. La caractérisation d’une faute sur ce fondement donnera lieu, non pas à l’engagement de la responsabilité contractuelle mais de la responsabilité délictuelle de son auteur. La sanction consiste par conséquent en l’octroi de dommages et intérêts, fondés sur les préjudices subis par celui qui s’estime lésé par la rupture des pourparlers.
Exemples de fautes durant les pourparlers
Le fait de fournir des renseignements inexacts ou falsifiés en toute connaissance de cause.
Un brusque changement d’avis à l’approche du terme des pourparlers, ou une rupture brutale et inattendue de ces derniers.
La rupture de négociations entamées de mauvaise foi, sans réelle intention de conclure.
Quels sont les abus au principe de liberté des pourparlers ?
Le non-respect de l’obligation d’information :
La partie qui possède une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer, dès lors qu’on peut légitimement penser que cette dernière l’ignore. L’obligation d’information pèse sur des éléments de nature à modifier le comportement d’une partie (exemple : poursuite ou non des négociations, dans quelles conditions). De plus, l’ignorance doit être légitime : l’abus ne peut pas porter sur une information qui aurait pu être accessible au demandeur, ou à qui il aurait incombé d’en prendre connaissance par lui-même.
Les sanctions mettent en jeu la responsabilité de la partie en défaut, ouvrant droit au paiement de dommages et intérêts selon les préjudices subis par la victime durant le laps de temps où elle aurait dû bénéficier de cette information. L’annulation du contrat ultérieurement conclu est également envisageable si le défaut d’information a conduit à vicier le consentement.
Le non-respect de l’obligation de confidentialité :
Dans le cadre d’une cession d’entreprise, les parties peuvent avoir accès à des informations considérées comme confidentielles, dont la divulgation pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’activité du cédant. Ces informations, extrêmement sensibles, font l’objet d’une protection légale : l’obligation de confidentialité dans les pourparlers.
Le principe est que ceux qui négocient ne peuvent utiliser ou divulguer des informations de nature confidentielle sans autorisation. Un manquement à cette obligation engagerait donc la responsabilité de son auteur dans les conditions de droit commun.
La rupture abusive des pourparlers
Basée sur le fondement de la loyauté des pourparlers, la rupture brutale et inattendue des échanges peut caractériser un comportement déloyal de son auteur, et donc une faute. Elle s’exprime par le fait, pour la partie qui rompt, de ne pas avertir l’autre partie de son intention de mettre un terme aux négociations dans un délai suffisant, alors même qu’elle ne souhaitait manifestement pas voir les pourparlers aboutir. Ce « délai suffisant » de prévenance est apprécié par le juge, et augmente à mesure que les négociations avancent, et donc que le risque pour la partie abandonnée s’accroît.
De même, laisser l’autre partie se persuader de l’issue positive des négociations sans la détromper, et ainsi engager des frais et du temps à perte, est constitutif d’une faute. C'est à la charge de la partie qui s’estime lésée d'apporter la preuve et d’aller chercher la responsabilité de son auteur. Ceci afin d'obtenir le dédommagement des conséquences dommageables et chiffrables de l'abus, même indirectes.
Comment se prémunir de ces abus durant vos pourparlers ?
Faites-vous accompagner d’un conseil en fusions-acquisitions
Il s’agit de professionnels expérimentés, à même de déceler le sérieux des intentions de votre partenaire et d’imposer les formes de communication nécessaires pour prévenir tout potentiel abus et sécuriser vos échanges.
Enregistrez chaque étape clef par écrit, et imposez des échéances ponctuelles à votre partenaire
Cela tout au long du processus pour vous assurer de sa bonne foi. Pour plus de sécurité, contractualisez-les si possible.
Faites-vous accompagner par un avocat pour rédiger au plus vite une lettre d’intention
Elle vous protègera de tout éventuel revirement et qui déplacera tout conflit ultérieur sur le terrain de la responsabilité contractuelle, bien plus aisée à mettre en œuvre que la responsabilité délictuelle.
Veillez à relire méticuleusement les termes de vos engagements contractuels
Une ambiguïté ou une mauvaise traduction de vos intentions peuvent avoir de grandes conséquences ! N’hésitez pas à vous faire accompagner par un conseiller juridique.
Contractualisez les décisions prévoyant l’engagement de frais importants
Tels qu’un audit, un bilan comptable intermédiaire, ou encore un inventaire. Ledit contrat précisera la charge financière incombant à chacun en cas de rupture des pourparlers.
Assurez-vous de regarder dans la même direction avec votre partenaire
Avant de vous engager unilatéralement dans une quelconque entreprise qui n'est jamais sûre d'aboutir.